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DIRECTIVE 96/71/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

du 16 décembre 1996

concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services

LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 57 paragraphe 2 et son article 66,

vu la proposition de la Commission,

vu l'avis du Comité économique et social,

statuant conformément à la procédure prévue à l'article 189 B du traité,

(1) considérant que, en vertu de l'article 3 point c) du traité, l'abolition, entre les États membres, des obstacles à la libre circulation des personnes et des services constitue l'un des objectifs de la Communauté;

(2) considérant que, en ce qui concerne la prestation de services, toute restriction fondée sur la nationalité ou des conditions de résidence est interdite par le traité depuis la fin de la période de transition;

(3) considérant que la réalisation du marché intérieur offre un cadre dynamique à la prestation de services transnationale en invitant un nombre croissant d'entreprises à détacher des travailleurs en vue d'effectuer à titre temporaire un travail sur le territoire d'un État membre autre que l'État sur le territoire duquel ils accomplissent habituellement leur travail;

(4) considérant que la prestation de services peut consister soit dans l'exécution de travaux par une entreprise, pour son compte et sous sa direction, dans le cadre d'un contrat conclu entre cette entreprise et le destinataire de la prestation de services, soit dans la mise à disposition de travailleurs en vue de leur utilisation par une entreprise, dans le cadre d'un marché public ou d'un marché privé;

(5) considérant qu'une telle promotion de la prestation de services dans un cadre transnational nécessite une concurrence loyale et des mesures garantissant le respect des droits des travailleurs;

(6) considérant que la transnationalisation de la relation de travail soulève des problèmes quant au droit applicable à cette relation de travail et qu'il convient, dans l'intérêt des parties, de prévoir les conditions de travail et d'emploi applicables à la relation de travail envisagée;

(7) considérant que la convention de Rome, du 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles, signée par douze États membres, est entrée en vigueur le 1er avril 1991 dans la majorité des États membres;

(8) considérant que l'article 3 de cette convention prévoit, comme règle générale, le libre choix de la loi applicable par les parties; que, à défaut de choix, le contrat est régi, en vertu de l'article 6 paragraphe 2, par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou, si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable;

(9) considérant que, en vertu de l'article 6 paragraphe 1 de ladite convention, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui, en vertu du paragraphe 2 dudit article, serait applicable à défaut de choix;

(10) considérant que l'article 7 de ladite convention prévoit, sous certaines conditions, que soit donné effet, concurremment avec la loi déclarée applicable, aux règles de police d'une autre loi, en particulier celle de l'État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché à titre temporaire;

(11) considérant que, conformément au principe de priorité du droit communautaire énoncé à son article 20, ladite convention ne préjuge pas l'application des dispositions qui, dans des matières particulières, règlent les conflits de lois en matière d'obligations contractuelles et qui sont ou seront contenues dans les actes émanant des institutions des Communautés européennes ou dans des législations nationales harmonisées en exécution de ces actes;

(12) considérant que le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que les États membres étendent le champ d'application de leur législation ou les conventions collectives de travail conclues par les partenaires sociaux à toute personne effectuant un travail salarié, y compris temporaire, sur leur territoire, même si l'employeur est établi dans un autre État membre; que le droit communautaire n'interdit pas aux États membres de garantir le respect de ces règles par les moyens appropriés;

(13) considérant que les législations des États membres doivent être coordonnées de manière à prévoir un noyau de règles impératives de protection minimale que doivent observer, dans le pays d'accueil, les employeurs qui détachent des travailleurs en vue d'effectuer un travail à titre temporaire sur le territoire de l'État membre de la prestation; qu'une telle coordination ne peut être assurée que par le droit communautaire;

(14) considérant qu'un «noyau dur» de règles protectrices, clairement définies, devrait être observé par le prestataire de services, nonobstant la durée du détachement du travailleur;

(15) considérant qu'il convient de prévoir que, dans certains cas délimités de travaux de montage et/ou d'installation d'un bien, les dispositions concernant les taux de salaire minimal et la durée minimale des congés annuels payés ne sont pas d'application;

(16) considérant que, en outre, il convient d'assurer une certaine souplesse dans l'application des dispositions concernant les taux de salaire minimal et la durée minimal des congés annuels payés; que, lorsque la durée du détachement ne dépasse pas un mois, les États membres peuvent, sous certaines conditions, déroger aux dispositions concernant les taux de salaires minimal ou prévoir la possibilité de dérogation par voie de conventions collectives; que, en cas de faible ampleur des travaux à effectuer, les États membres peuvent déroger aux dispositions concernant les taux de salaire minimal et la durée minimale des congés annuels payés;

(17) considérant que les règles impératives de protection minimale en vigueur dans le pays d'accueil ne doivent pas empêcher l'application des conditions de travail et d'emploi plus favorables aux travailleurs;

(18) considérant qu'il convient de respecter le principe selon lequel les entreprises établies en dehors de la Communauté ne doivent pas obtenir un traitement plus favorable que les entreprises établies sur le territoire d'un État membre;

(19) considérant que, sans préjudice d'autres dispositions communautaires, la présente directive n'entraîne pas l'obligation de reconnaître légalement l'existence d'entreprises de travail temporaire, ni porte atteinte à l'application, par des États membres, de leur législation relative à la mise à disposition de travailleurs et d'entreprises de travail temporaire auprès d'entreprises non établies sur leur territoire, mais y exerçant des activités dans le cadre d'une prestation de services;

(20) considérant que la présente directive n'affecte ni les accords conclus par la Communauté avec des pays tiers ni les législations des États membres relatives à l'accès sur leur territoire de prestataires de services de pays tiers; que la présente directive ne porte pas non plus atteinte aux législations nationales relatives aux conditions d'entrée, de résidence et d'emploi de travailleurs ressortissant de pays tiers;

(21) considérant que le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, fixe les dispositions applicables en matière de prestations et de cotisations de sécurité sociale;

(22) considérant que la présente directive est sans préjudice du droit des États membres en matière d'action collective pour la défense des intérêts professionnels;

(23) considérant que les instances compétentes des différents États membres doivent collaborer entre elles à l'application de la présente directive; que les États membres doivent prévoir des mesures appropriées en cas de non-respect de la présente directive;

(24) considérant qu'il importe de garantir une bonne application de la présente directive et de prévoir, à cette fin, une collaboration étroite entre la Commission et les États membres;

(25) considérant que, au plus tard cinq ans après la date d'adoption de la présente directive, la Commission doit réexaminer les modalités d'application de la présente directive en vue de proposer, le cas échéant, les modifications nécessaires,

ONT ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:

Article premier

Champ d'application

1. La présente directive s'applique aux entreprises établies dans un État membre qui, dans le cadre d'une prestation de services transnationale, détachent des travailleurs, conformément au paragraphe 3, sur le territoire d'un État membre.

2. La présente directive ne s'applique pas aux entreprises de la marine marchande en ce qui concerne le personnel navigant.

3. La présente directive s'applique dans la mesure où les entreprises visées au paragraphe 1 prennent l'une des mesures transnationales suivantes:

a) détacher un travailleur, pour leur compte et sous leur direction, sur le territoire d'un État membre, dans le cadre d'un contrat conclu entre l'entreprise d'envoi et le destinataire de la prestation de services opérant dans cet État membre, pour autant qu'il existe une relation de travail entre l'entreprise d'envoi et le travailleur pendant la période de détachement

ou

b) détacher un travailleur sur le territoire d'un État membre, dans un établissement ou dans une entreprise appartenant au groupe, pour autant qu'il existe une relation de travail entre l'entreprise d'envoi et le travailleur pendant la période de détachement

ou

c) détacher, en tant qu'entreprise de travail intérimaire ou en tant qu'entreprise qui met un travailleur à disposition, un travailleur à une entreprise utilisatrice établie ou exerçant son activité sur le territoire d'un État membre, pour autant qu'il existe une relation de travail entre l'entreprise de travail intérimaire ou l'entreprise qui met un travailleur à disposition et le travailleur pendant la période de détachement.

4. Les entreprises dans un État non membre ne peuvent pas obtenir un traitement plus favorable que les entreprises établies dans un État membre.

Article 2

Définition

1. Aux fins de la présente directive, on entend par travailleur détaché, tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d'un État membre autre que l'État sur le territoire duquel il travaille habituellement.

2. Aux fins de la présente directive, la notion de travailleur est celle qui est d'application dans le droit de l'État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché.

Article 3

Conditions de travail et d'emploi

1. Les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises visées a l'article 1er paragraphe 1 garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d'emploi concernant les matières visées ci-après qui, dans l'État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté, sont fixées:

- par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives

et/ou

- par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d'application générale au sens du paragraphe 8, dans la mesure où elles concernent les activités visées en annexe:

a) les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos;

b) la durée minimale des congés annuels payés;

c) les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires; le présent point ne s'applique pas aux régimes complémentaires de retraite professionnels;

d) les conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des entreprises de travail intérimaire;

e) la sécurité, la santé et l'hygiène au travail;

f) les mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d'emploi des femmes enceintes et des femmes venant d'accoucher, des enfants et des jeunes;

g) l'égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que d'autres dispositions en matière de non-discrimination.

Aux fins de la présente directive, la notion de taux de salaire minimal visée au second tiret point c) est définie par la législation et/ou la pratique nationale(s) de l'État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché.

2. Dans le cas de travaux de montage initial et/ou de première installation d'un bien, qui forment partie intégrante d'un contrat de fourniture de biens, qui sont indispensables pour la mise en fonctionnement du bien fourni et qui sont exécutés par les travailleurs qualifiés et/ou spécialisés de l'entreprise de fourniture, le paragraphe 1 second tiret points b) et c) ne s'applique pas, lorsque la durée du détachement n'est pas supérieure à huit jours.

Cette disposition ne s'applique pas aux activités dans le domaine de la construction visées en annexe.

3. Les États membres peuvent, après consultation des partenaires sociaux, conformément aux us et coutumes de chaque État membre, décider de ne pas appliquer le paragraphe 1 second tiret point c) dans les cas visés à l'article 1er paragraphe 3 points a) et b), lorsque la durée du détachement n'est pas supérieure à un mois.

4. Les États membres peuvent, conformément aux législations et/ou pratiques nationales, prévoir qu'il peut être dérogé au paragraphe 1 second tiret point c) dans les cas visés à l'article 1er paragraphe 3 points a) et b), ainsi qu'à une décision d'un État membre au sens du paragraphe 3 du présent article, par voie de conventions collectives, au sens du paragraphe 8, concernant un ou plusieurs secteurs d'activité, lorsque la durée du détachement n'est pas supérieure à un mois.

5. Les États membres peuvent prévoir l'octroi d'une dérogation au paragraphe 1 second tiret points a) et c) dans les cas visés à l'article 1er paragraphe 3 points a) et b) en raison de la faible ampleur des travaux à effectuer.

Les États membres qui font usage de la faculté visée au premier alinéa fixent les modalités auxquelles les travaux à effectuer doivent répondre pour être considérés comme de «faible ampleur».

6. La durée du détachement est calculée sur une période de référence d'une année après son commencement.

Lors du calcul de celle-ci, la durée d'un détachement éventuellement accompli par un travailleur à remplacer est prise en compte.

7. Les paragraphes 1 à 6 ne font pas obstacle à l'application de conditions d'emploi et de travail plus favorables pour les travailleurs.

Les allocations propres au détachement sont considérées comme faisant partie du salaire minimal, dans la mesure où elles ne sont pas versées à titre de remboursement des dépenses effectivement encourues à cause du détachement, telles que les dépenses de voyage, de logement ou de nourriture.

8. On entend par conventions collectives ou sentences arbitrales, déclarées d'application générale, les conventions collectives ou les sentences arbitrales qui doivent être respectées par toutes les entreprises appartenant au secteur ou à la profession concernés et relevant du champ d'application territoriale de celles-ci.

En l'absence d'un système de déclaration d'application générale de conventions collectives ou de sentences arbitrales au sens du premier alinéa, les États membres peuvent, s'ils décident ainsi, prendre pour base:

-les conventions collectives ou sentences arbitrales qui ont un effet général sur toutes les entreprises similaires appartenant au secteur ou à la profession concernés et relevant du champ d'application territoriale de celles-ci

et/ou

- les conventions collectives qui sont conclues par les organisations des partenaires sociaux les plus représentatives au plan national et qui sont appliquées sur l'ensemble du territoire national,

pour autant que leur application aux entreprises visées à l'article 1er paragraphe 1 garantisse, quant aux matières énumérées au paragraphe 1 premier alinéa du présent article, une égalité de traitement entre ces entreprises et les autres entreprises visées au présent alinéa se trouvant dans une situation similaire.

Il y a égalité de traitement, au sens du présent article, lorsque les entreprises nationales se trouvant dans une situation similaire:

- sont soumises, au lieu d'activité ou dans le secteur concernés, aux mêmes obligations, en ce qui concerne les matières énumérées au paragraphe 1 premier alinéa, que les entreprises visées par les détachements

et

- se voient imposer lesdites obligations avec les mêmes effets.

9. Les États membres peuvent prévoir que les entreprises visées à l'article 1er paragraphe 1 garantissent aux travailleurs au sens de l'article 1er paragraphe 3 point c) le bénéfice des conditions qui sont applicables aux travailleurs intérimaires dans l'État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté.

10. La présente directive ne fait pas obstacle à ce que les États membres, dans le respect du traité, imposent aux entreprises nationales et aux entreprises d'autres États, d'une façon égale:

- des conditions de travail et d'emploi concernant des matières autres que celles visées au paragraphe 1 premier alinéa, dans la mesure où il s'agit de dispositions d'ordre public;

- des conditions de travail et d'emploi fixées dans des conventions collectives ou sentences arbitrales au sens du paragraphe 8 et concernant des activités autres que celles visées à l'annexe.

Article 4

Coopération en matière d'information

1. Aux fins de la mise en œuvre de la présente directive, les États membres, conformément aux législations et/ou pratiques nationales, désignent un ou plusieurs bureaux de liaison ou une ou plusieurs instances nationales compétentes.

2. Les États membres prévoient une coopération entre les administrations publiques qui, conformément à la législation nationale, sont compétentes pour la surveillance des conditions de travail et d'emploi visées à l'article 3. Cette coopération consiste en particulier à répondre aux demandes d'informations motivées de ces administrations publiques relatives à la mise à disposition transnationale de travailleurs, y compris en ce qui concerne des abus manifestes ou des cas d'activités transnationales présumées illégales.

La Commission et les administrations publiques visées au premier alinéa collaborent étroitement en vue d'examiner les difficultés qui pourraient surgir dans l'application de l'article 3 paragraphe 10.

L'assistance administrative réciproque est fournie à titre gracieux.

3. Chaque État membre prend les mesures appropriées pour que les informations concernant les conditions de travail et d'emploi visées à l'article 3 soient généralement accessibles.

4. Chaque État membre communique aux autres États membres et à la Commission les bureaux de liaison et/ou les instances compétentes visés au paragraphe 1.

Article 5

Mesures

Les États membres prennent des mesures adéquates en cas de non-respect de la présente directive.

Ils veillent en particulier à ce que les travailleurs et/ou leurs représentants disposent de procédures adéquates aux fins de l'exécution des obligations prévues par la présente directive.

Article 6

Compétence judiciaire

Pour faire valoir le droit aux conditions de travail et d'emploi garanties à l'article 3, une action en justice peut être intentée dans l'État membre sur le territoire duquel le travailleur est ou était détaché, sans préjudice, le cas échéant, de la faculté d'intenter, conformément aux conventions internationales existantes en matière de compétence judiciaire une action en justice dans un autre État.

Article 7

Mise en œuvre

Les États membres adoptent les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 16 décembre 1999.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

Article 8

Réexamen par la Commission

Au plus tard le 16 décembre 2001, la Commission réexamine les modalités d'application de la présente directive, en vue de proposer au Conseil, en tant que de besoin, les modifications nécessaires.

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